LE BONZE ET LA FEMME TRANSIE
de Eun-ja Kang
Extrait p 42-43


- Yong, trouvez-vous tout cela normal? se plaignit-il un jour au bord de la source. J'ai l'impression d'être en prison. Nous travaillons comme des esclaves, sans aucune récompense. Est-ce qu'on nous a appris quelque chose? Regardez un peu mes cheveux, ils sont si longs que je devrai bientôt les attacher comme vous.

- Mon cher Bong, répondit Yong en frottant avec soin le linge, tout dépend de votre état d'esprît. Vous vous sentez enfermé dans le monastère parce que vous ne pensez qu'à en sortir. Vous trouvez votre travail ingrat parce que vous en espérez quelque compensation. Vous n'apprenez rien parce que vous attendez qu'on vous enseigne quelque chose. Personne ne vous retiendra, sachez-le bien, si vous partez. Vous n'apprendrez rien si vous ne cherchez pas à vous instruire vousmême. Ne comptez plus le temps qui passe, vous cueillerez les fruits de vos efforts le moment venu. Savez-vous que nous sommes constamment observés par des yeux discrets?

- Par qui?

- Comment le saurais-je? Le noviciat n'a pas une durée déterminée. Seul le jugement des supérieurs peut y mettre un terme.

- Quoi qu'il en soit, je ne les vois pas souvent, ces supérieurs. Quand pourrai-je leur prouver mon zèle?

- Ne cherchez pas à le leur montrer. Si vous par-venez à trouver du plaisir dans votre travail, cela se verra naturellement. Je suppose que c'est à cause de la pensée de votre épouse que tout vous tarde à venin Mais, par impatience, vous risquez de tout gâcher.


Genre : drame spirituel
203 pages Fayard
Acheter ce livre 2003
Le mot de l'éditeur

Tae-Mann, un pauvre diable de Coréen, décide un matin d'abandonner sa jeune épouse pour aller chercher fortune. Ses pas le mènent au monastère de la Prospérité, l'un des plus riches de la province, niché au creux d'une vallée fertile. La nourriture y est abondante, et la charité des fidèles pourvoit largement aux besoins des religieux. Pétri d'orgueil et de paresse, Tae-Mann choisit alors de profiter de l'hospitalité du Temple. Il y est accepté, rebaptisé Bong, « le phénix », et il commence son noviciat. Mais le monachisme bouddhique, vers lequel il s'est tourné par intérêt, suppose à la fois un effort spirituel et la soumission à la règle de la communauté ; pour Bong l'expérience religieuse s'annonce difficile ... jusqu'au jour où il sauve une vie.

Un analyse subtile des ambivalences de l'âme humaine, l'humour et la grâce de l'écriture font d'Eun-ja Kang une révélation de la littérature francophone.

L'auteur :
Née en 1966 en Corée, passionnée par la langue et la littérature françaises, Eun-ja Kang a obtenu un doctorat de littérature comparée à Dijon, où elle réside depuis douze ans, Le Bonze et la femme transie, son premier roman, a reçu la bourse littéraire de la fondation Cino del Duca.

Haniweb lecture

Tea-mann est le fils d'une famille aristocratique qui n'a connu que le plaisir et la facilité jusqu'à la ruine aux jeux de son père.
Seul avec sa jeune épouse, pauvrement vêtu, nourri et logé, il s'abandonne à la paresse. Il forme pourtant le projet de devenir riche en prenant l'habit de bonze au temple de la Prospérité avec le dessein de le voler. En chemin, il rencontre un jeune homme habiter d'une passion spirituelle avec qui il va se lier d'amitié et entrer au noviciat.

C'est le long cheminement d'une conscience au départ pervertie par un projet malhonnête,un destin qui se forge avec ses doutes, ses vilennies et ses grandeurs que nous suivons à travers la vie du bonze Bong (Tae-mann) au temple de la Prospérité.
Le livre est une façon d'appréhender le bouddhisme de l'intérieur. Il permet grâce à un roman agréable et à une intrigue bien menée de gommer cette vision d'un bouddhisme ascétique et rigoureux et nous démontre que l'enseignementde Bouddha, la voie, est avant tout un appel à (l') être humain. (Ed.)